Arnaud, un tandem à lui tout seul
par Nathalie Pavec le 02/02/2018
Pour que le souvenir du festival ne s’éloigne pas trop vite, [VU DU PORTE-BAGAGES] vous propose quelques portraits de tandems ayant apporté leur pierre à l’édifice de cette 5è édition : on y croisera des organisateurs, des bénévoles, des spectateurs, des partenaires…
Et pour commencer, un certain Arnaud.
Comme chacun sait, cet Arnaud-là est écrivain ; il est aussi musicien, chanteur, interprète. Il est aussi conseiller artistique du festival : c’est lui qui concocte la programmation adultes.
À la remarque « En somme, vous êtes un tandem à vous tout seul », son visage s’éclaire d’un large sourire. À la question « Comment il fonctionne, ce tandem ? Qu’est-ce que l’écrivain apporte au programmateur, et vice-versa, comment est-ce que l’un nourrit l’autre ? », il prend une grande respiration, se recule sur la banquette, son regard s’absente vers le plafond. On se demande si on a posé une question stupide, une question bateau, une question de trop même si c’est la première. Mais il revient avec un air malicieux et une jolie réponse : « Pour moi, programmer, c’est avant tout donner voix à l’admirateur qui est en moi ». Il parle de son côté « midinette », de son plaisir à rencontrer « ses idoles », le tout avec une mine gourmande et juvénile qui fait qu’on ne peut que le croire, même si on imagine bien qu’il a lui-même ses groupies parmi les artistes et les auteurs invités.
Il est clair qu’il carbure à l’échange, que c’est dans la relation à l’autre, à « des frères et des sœurs d’écriture », qu’il se sent pleinement vivant. Comme une respiration qui stimule et renouvelle toute la part de création qu’il porte en lui. Dans cet acte de création aussi, il aime les collaborations : voir son nom associé à un autre (au hasard, Florent Marchet ou Eric Caravaca) sur la couverture d’un livre ou au générique d’un film lui procure une joie particulière, dit-il. Mais, pour Tandem, il y a surtout le plaisir de mettre les autres en lumière sur une scène. Là, son œil pétille, il parle de sa fascination pour les théâtres, depuis toujours, son attirance pour ce lieu d’illusion, dont il aime tout, de la salle au plateau, des coulisses à l’atelier où sont remisés décors et costumes. Le théâtre, c’est le lieu où la création est reçue directement par le public, où s’annule la distance qui sépare l’écrivain et le lecteur, la distance entre l’écriture et sa réception. C’est sans doute cette immédiateté, cette vibration commune qu’il recherche dans ces tandems, auxquels il assiste comme (presque) n’importe quel autre spectateur, aussi prêt à s’émerveiller, aussi avide d’être surpris et bousculé, aussi ouvert au petit miracle de l’incarnation des mots.
Car c’est aussi ce qui fait la spécificité et la magie du festival Tandem : le programmateur ne sait que très vaguement ce qui va se passer sur scène. Certaines personnes ont besoin de voir pour croire. Lui, il y croit avant d’avoir vu. Il croit en l’auteur qu’il sollicite, il croit en la liberté qu’il lui laisse comme on laisse à un ami la clé de sa maison, il croit à l’alchimie des rencontres. Cela ne l’empêche pas, parfois, de jouer les entremetteurs, de suggérer un nom, de glisser un contact téléphonique. Mais ce que cette union, arrangée ou libre, va produire, nul ne le sait – et surtout pas lui, qui veut conserver le regard neuf du découvreur et le ravissement des premières fois.
Pendant toute la durée du festival, sa longue silhouette de jeune homme circule d’un lieu à l’autre, du hall d’entrée aux salles où ça répète, du catering où les artistes se restaurent à la cabine des techniciens, du bar aux files d’attente où il guette les réactions, répond aux sourires, échange d’un regard ou d’un mot avec qui veut. Toujours disponible pour répondre à une question, accueillir un commentaire sur un spectacle, donner une interview à un journaliste venu de Paris ou à des jeunes de Bac FM. On le sent tout à son affaire, et en même temps serein et dispos, profitant de ce temps suspendu du festival et savourant la qualité des relations qui se tissent au sein de ce grand creuset. Et sur les artistes il veille, attentif à ce qu’ils se trouvent bien à Nevers, accueillis, entourés, aimés, et qu’ils puissent ainsi prendre le risque d’une création inédite en sachant qu’ils seront écoutés avec une intensité à la hauteur de leur générosité.
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